Nous vivons sur des terres qui ont forcément un passé, qui cachent des vestiges d’autres époques et sur lesquelles nous n’avons pas, ou presque pas, d’information.
Il y a quelques années, lors de la construction du nouveau lotissement du Cyprès II, dit Rohrheck, des fouilles ont été menées par l’Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP) mettant à jour un site néolithique. Une incroyable découverte pour notre patrimoine historique ! Mais pas assez pour créer un site archéologique. Après les fouilles, la construction du lotissement a pu continuer.
Mardi 17 et mercredi 18 juillet 2018, M. KRAMES commence un chantier pour la construction d’un emplacement parking au 31 rue de Kerbach et voilà qu’il tombe sur des pierres assez larges qui recouvraient un tunnel. Le mystère était déjà là et l’émotion aussi. En continuant à creuser, il tombe sur un four à chaux. Après avoir prévenu la mairie, M le Maire contacte le Service Régional d’Archéologie pour connaître les démarches à suivre. Grâce aux photos envoyées, le SRA nous informe que ce type de four était assez commun depuis l’époque romaine jusqu’au début du XXe siècle. Il n’est pas possible de le dater sans faire des fouilles minutieuses. Par contre, la datation par le radiocarbone offre une possibilité, mais vu l’état du chantier, pour eux, ce n’était plus possible.
Nous avons la chance d’avoir un docteur en biologie, spécialisé en sciences forestières, grand amoureux du charbon de bois, et enfant du pays, M Thomas FEISS. Une chance inouïe pour tous !
Après l’autorisation de M. Krames, M. Feiss se déplace pour voir le chantier et la possibilité de faire des échantillons. Ceci nous permet de faire des hypothèses très intéressantes quant à la date du four et son usage.
Il s’agit visiblement d’un four à chaux. Les pierres trouvées, après un test par acide chlorhydrique, sont bien du calcaire. Les différents niveaux de charbon indiquent également l’utilisation pour faire de la chaux, matériau de construction utilisée avant le XXe siècle.
C’est une structure magnifique, très bien maçonnée, de 2 mètres de profondeur, la cheminée ou tunnel a une largeur de 50 à 55 cm et une longueur de 1,70 m et le foyer est un rectangle de 80 cm x 50 cm x 30 cm et dans lequel du charbon de bois a été retrouvé intacte sous des pierres calcaires stratifiées par le feu et de couleur rouge qui constituait semblablement la base. Le tour de four avait d’autres sortes de pierre comme le grès, qui n’étaient pas originaires d’Alsting, mais « d’en face », c’est-à-dire, la Sarre.
Très probablement, le tunnel à droite permettait l’arrivée de l’air ou la sortie vers le bassin d’eau car pour faire de la chaux, il faut forcément une source d’eau. Puis l’avant, sur lequel on distingue clairement deux encoches taillées dans la pierre, permettait l’alimentation par devant. Le foyer reposait sur le sol naturel.
Sachant qu’il y a deux sortes de charbon… D’une part, le charbon fossile, matériau de combustion très connu de la région, sa dernière utilisation pourrait donc remonter au XIXe s. Concernant le charbon de bois, il semblerait que celui-ci provenait de la forêt au-dessus de la rue de Kerbach. Ce combustible était donc avant l’ère industrielle. Des morceaux de deux types de charbon ont été trouvés sur les lieux. Deux hypothèses ont été émises. La première ferait croire à un four du début de l’ère industrielle, en tout cas, de par son utilisation du charbon fossile. La seconde, il pourrait s’agir d’un charbon de bois ayant brûlé plusieurs fois à de très hautes températures modifiant ainsi sa structure. Donc d’un four datant d’avant l’ère industrielle.
Pour ce qui est du charbon de bois, plusieurs échantillons ont été collectés. Après une analyse rapide in situ, il semblerait qu’il s’agit de hêtre (à 1,68 m). Ceci reste naturellement à confirmer. Dans le cas où le charbon trouvé soit d’origine feuillue, le four daterait d’avant l’ère industrielle. Il semblerait qu’il ne s’agit pas d’un four de l’époque romaine. Mais, à quelle période ? Dix-septième ? Dix-huitième siècle ? Là, le mystère demeure.
Encore une autre hypothèse intéressante : la possible existence d’un réseau de charbonniers et de chaufourniers. La construction d’un four à chaux était onéreuse à l’époque. Il ne nous reste plus qu’ à trouver le foyer où le charbon de bois était fabriqué dans notre forêt. En tout cas, ceci est certain, le charbon de bois venait de notre forêt.
Les échantillonnages ont été faits à plusieurs profondeurs (aussi bien au foyer que sur la pente) : 200 cm ; 150 cm ; 135 cm ; 110 cm ; 90 cm ; 65 cm et 45 cm.
En fonction des trouvailles de M Feiss sur les différents échantillons pris, le plus parlant après analyse au microscope partira en Cologne (Allemagne) pour la datation par radiocarbone. Il ne nous reste plus qu’à attendre le mois de décembre pour en avoir le cœur net.
Un grand merci à M et Mme Werner et Sylvette Krames pour leur accueil, leur passion et leur idée de laisser ce patrimoine accessible pour notre commune.
En attendant, nous pouvons désormais dire comme nos anciens « oben am Kalkhofe » lorsque nous monterons au lotissement À l’Orée du bois. Affaire à suivre…